I WANT TO BE A PART OF IT

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mercredi 28 août 2013

Road Trip : 24 juillet - Wounded Knee - Dakota du Sud

Cette deuxième nuit au Best Western de Chadron est en tout point semblable à la première, c'est à dire pourrie. La veille nous avons pris la précaution d'annuler notre troisième et dernière nuit dans ce Best Western afin de migrer vers Fort Robinson. Nous verrons si ce choix est judicieux. 

Nous ne sommes pas loin du Dakota du Sud, et en profitons pour nous rendre, au son de la voix parfois chevrotante de Buffy Sainte Marie, dans la réserve indienne de Pine Ridge. 


Buffy Sainte Marie est une artiste canadienne, d'origine Cree. Sa voix et celle de ses choristes,  tellement puissantes et plaintives, me tordent littéralement les boyaux et m'arrachent les larmes, tant celles ci semblent empruntes des décennies de souffrance de tout un peuple. 
Voilà que je fais mon Manoukian...


La réserve indienne de Pine Ridge abrite le site de "Wounded Knee". De ce lieu symbolique, Élodie et moi ne connaissons que peu de choses. Et au bout du compte, il est des vérités certes bonnes à connaître mais qui laissent perplexe quant à la santé mentale du genre humain.

Carte de ce que représentait la réserve sioux en 1868, ici délimitée en rose. A force de non respect des traités signés, les hommes blancs ont récupéré par la force les territoires jaunes et hachurés, pour ne laisser aujourd'hui aux Natives que les territoires magentas.


1890, Dakota du Sud. Le gouvernement des États-Unis rompt un traité passé quelques années auparavant avec les indiens Lakotas et décide des les parquer dans des réserves. Le mot Honneur devait signifier bien peu de choses à l'époque, en tout cas vu de Washington. Les Lakotas, peuple nomade vivant au rythme des saisons et des migrations de troupeaux de bisons est prié de se sédentariser. Ben voyons.
La colère monte, le chef Sitting Bull est tué.

Un groupe de Lakotas décide de s'enfuir, finalement rattrapé à proximité de la crique de Wounded Knee où hommes, femmes et enfants passeront la nuit sous l’œil du 7ème régiment de cavalerie américaine, alors mené par le colonel Forsyth qui, peu de temps auparavant, a reçu l'ordre de désarmer les prisonniers avant de les transférer dans un camp militaire à Omaha, à l'extrémité Est du Nebraska, loin de leurs terres sacrées.

En pleine manœuvre de désarmement, un coup de feu éclate provoquant aussitôt une fusillade. La cavalerie tire dans le tas, appuyée par des tirs de canon Hotchkiss, décimant sans distinction femmes, enfants, et même propres membres de la cavalerie américaine. Le bilan est sans appel : 146 indiens tués. Chiffre réévalué dernièrement entre 300 et 350 par l'armée américaine, du bout des lèvres. 

Pour cette action innommable, 20 médailles d'honneur sont attribuées à des membres du 7ème régiment de cavalerie, pour leur conduite durant le massacre. A vomir partout ! 
Car il s'agit bien d'un massacre, et même d'un règlement de comptes : 14 ans auparavant, ce même régiment, alors sous les ordres de Custer, avait été décimé par les Sioux à la bataille de Little Bighorn. Il semble finalement que les américains connaissaient le sens du mot Honneur...pour peu que celui-ci autorise la vengeance. 


Tombe, sur le site du massacre de Wounded Knee, Dakota du Sud

Voici ce que nous apprenons au fil de notre avancée dans la réserve de Pine Ridge, et au hasard d'une conversation avec une indienne Lakota d'un certain âge. Les manuels d'histoire ne s'attardent pas sur le sujet. De son aveu même, beaucoup d'indiens sont encore haineux de la façon dont l'Homme blanc s'est joué d'eux. Comment les blâmer ?
Une chose est certaine nous confie-t-elle : "Les blancs nous ont tout pris, sauf notre fierté".

Notre route nous mène à la ville de Pine Ridge où nous ne trouvons que le Pizza Hut pour combler nos estomacs. La ville respire la pauvreté. Le taux de chômage dans la réserve est de 95%. Je n'arrive pas à savoir s'ils se contentent des aides attribuées par l’État, qui voit içi une bien pratique façon de faire amande honorable, ou s'ils ont perdu le goût de vivre. Un jeune serveur arbore sur son avant bras gauche le mot "fierté". Ce sentiment, chez les indiens Lakotas, semble se transmettre au fil des générations, et c'est rassurant.

La route du retour laisse défiler des prairies à pertes de vue, dans lesquelles quelques bovins se nourrissent. Une vache s'est échappée d'un enclos. Son propriétaire, juché sur un quad, l'escorte afin de la ramener en lieu sûr, des fois que l'envie suicidaire de traverser la route lui effleure l'esprit.

Notre arrivée à Fort Robinson se fait sous la pluie.



Les quelques heures de trajet que l'on vient d'effectuer depuis Wounded Knee n'ont pas dissipées le sentiment d'injustice et de gâchis que je ressens quand je pense au traitement infligé par les colons aux peuples qui vivaient ici bien avant nous. S'il n'y avait qu'ici...mais à bien y réfléchir, l'européen a quand même bien foutu la zone partout où il est passé, sous couvert d'avarice, d'évangélisation et d'universalisation.

"Sous ce porche sont passés les meilleurs cavaliers du monde". Voilà peu ou proue ce que l'on peut lire sur la pancarte qui signale l'entrée du bâtiment qui abritait à l'époque les engagés du 9ème régiment de cavalerie. Ben voyons. Encore un domaine dans lequel ils sont champions du monde, faisant abstraction en l’occurrence des cavaliers berbères, mongols, ottomans...

Fort Robinson - Ancien casernement

Ce bâtiment sert de nos jours à abriter les touristes de passages.
Nous prenons soudain conscience qu'après une matinée à Wounded Knee, passer la nuit dans un bâtiment qui abritait à l'époque les confrères de ceux ayant exterminé femmes et enfants Lakotas il y a un peu plus de cent ans a quelque chose d'absurde. En accord avec nous même, nous aurions du passer la nuit sous un tipi. Niveau symbolique, on est carrément à côté de la plaque.

L'après-midi est déjà bien avancée, il tombe un léger crachin, et nous faisons une croix sur la ballade à cheval et la descente de rivière en canoé. Nous nous rabattons sur le tour en Jeep, et cela tombe très bien, nous sommes les seuls clients. L'instant romantique de la journée.

Tour en Jeep dans Fort Robinson State Park, Nebraska


Les vues sont imprenables, même si ici comme à Chadron, les collines boisées ont subit quelques incendies dont elles se remettent petit à petit. Notre guide est sympathique, un peu blasé par son métier tout de même. C'est sûr que conduire des touristes en Jeep après 6 ans chez les Marines, dont 9 mois en Afghanistan, a quelque chose de reposant, mais de routinier.

Vue sur les plaines du Nebraska


Après lui avoir avoué que notre visite à Wounded Knee nous a pas mal secoué, il nous déclare, sans réelle fierté, qu'il possède 1/4 de sang Cheyenne. Faut bien chercher tout de même car il est blond aux yeux bleus. Il ne comprend pas que certains indiens n'ont pas encore enterré la hache de guerre, et sont toujours amers et défiants vis-à-vis de l'Homme blanc. Un jour, garé sur le parking d'une station essence située dans une réserve indienne, sa voiture a été brûlée. "Je ne suis pas responsable des actes de mes ancêtres". Il a raison. Pourtant...

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